Philosophe Alain

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Propos sur la politique

Introduction : Il y a un paradoxe Alain sur la politique : c’est l’aspect pour lequel il est probablement le mieux connu, mais aussi celui qui est le plus critiqué. Alain en effet incarne la toute première tentative en France d’engagement politique d’un philosophe, au nom de la philosophie. Homme de gauche, proche du parti radical de l’époque, mais en aucun cas inféodé à une quelconque idéologie, Alain défend les droits de l’individu — sans différence de genre, ce qui est rare à l’époque — sa liberté de penser et d’agir. Sur la scène internationale, il est un défenseur inlassable de la paix, et l’une des grandes, mais malheureusement rares, figures de philosophe de la démocratie en France.

 

Le figuier maudit

Il arriva que Jésus eut soif ; il s’approcha d’un figuier et n’y trouva point de figues. Aussitôt il maudit l’arbre inutile, et l’arbre sécha sur pied. Or ce n’était point la saison des figues. Cette étonnante remarque ne peut venir ni d’un copiste, ni d’un commentateur ; ces gens-là ne font

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Tout pouvoir sans contrôle rend fou

Le Suffrage Universel n’inventera jamais rien de neuf. Son rôle est plutôt d’affirmer avec force des vérités aussi vieilles que le monde, que le Pouvoir est naturellement porté à oublier. Considérez l’instruction criminelle. Personne ne conteste que la publicité des débats et la liberté de la défense soient des garan­ties

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Résistance et obéissance

Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l’obéissance il assure l’ordre; par la résistance il assure la liberté. Et il est bien clair que l’ordre et la liberté ne sont point séparables, car le jeu des forces, c’est-à-dire la guerre privée à toute minute, n’enferme aucune liberté;

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Barbarie

J’en entends qui disent : « Barbarie. Sauvagerie. Ces peuples se révèlent tels qu’ils sont ». Ils me font penser à ceux qui jugent inhumain de combattre avec des lance-flammes ou des gaz empoisonnés. C’est qu’ils se font de la guerre une idée toute romantique. La guerre n’est jamais belle ; la guerre tue

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Mécanique civilisation

  J’admire fort notre civilisation. Je le dis sans rire. Il est merveilleux de penser à cette multitude d’actions barbares qui sont comme impossibles à un homme moyen de chez nous. Bousculer une vieille mendiante, se moquer d’un aveugle, tromper un enfant, laisser un malade à la rue, écraser froidement

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Il nous faut une aile gauche

Je voyais ces jours-ci de ces socialistes d’avant-garde, aux yeux desquels Jaurès représente la bourgeoisie conservatrice. Ce sont des hommes qui n’attendent rien du Parlement, qui ne votent point, et qui comptent sur la violence pour établir la justice. Il n’est pas facile de leur parler raison. Si l’on ne

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La cruauté dans l’histoire

Cruauté des rois Mérovingiens ! Voilà ce que je lis dans un résumé d’histoire. Et quelle idée les enfants formeront-ils de l’homme ? Ils croiront que l’homme est devenu meilleur ; ils se fieront à l’homme. De cette idée folle naîtront les rêves politiques, les tyrannies, les guerres ; car l’indignation vient toujours d’un

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Démocratie difficile

Ce n’est pas la Tyrannie qui est difficile. Non. C’est plutôt la République qui est difficile. Car l’injustice trouve promptement des amis et des soutiens en tous ceux qui ont horreur de la lumière et qui prennent l’égalité comme une injure. Cette armée furieuse est toujours là, à guetter l’occasion.

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Adhérer à un parti révolutionnaire ?

« Pourquoi n’adhérez-vous pas à un parti révolutionnaire ? » On m’a posé cette question plus d’une fois. Et je répondrai toujours la même chose : c’est parce que je suis plus révolutionnaire que vous tous. Je ne dis pas seulement que je n’ai aucune confiance dans aucun genre de chef ; ce serait trop

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Le métier de roi

Les royalistes font argument de ces guerres ruineuses qui furent la suite de tous les mouvements de la Liberté. Il faut avouer qu’une monarchie héréditaire est civile par son essence, et qu’elle ne laissera point s’étendre le pouvoir militaire, lequel, par sa nature même, dépose continuellement le roi. Ajoutons que

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Guerre sans visage

« Circulaire recommandée. Le premier jour de la mobilisation est le dimanche 2 août. » Je ne crois pas que ceux qui ont lu cette affiche blanche en oublient jamais le contenu ; mais la forme même de cet ordre effrayant mérite attention. L’Administration y a mis sa marque. L’État

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Obéir mais ne pas respecter

J’enseigne l’obéissance. Le lecteur rugueux va me dire que je suis payé pour cela. Il est vrai. Mais si nos Grands Messieurs m’entendaient sur l’obéissance, ils jugeraient qu’ils placent bien mal leur argent ; cette espèce est insatiable ; ne veulent-ils pas, avec l’obéissance, le respect et même l’amour ? Eh bien, lecteur

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Le pilote et le citoyen

L’antique comparaison tirée du navire et du pilote, n’a pas fini d’instruire les citoyens de leurs devoirs et de leurs droits. Premièrement apparaît cette remarque de bon sens qu’on ne choisit pas le capitaine d’après sa naissance, mais d’après son savoir. Et par là nous sommes délivrés d’un genre de

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Qu’est ce que la démocratie?

Je connais un certain nombre de bons esprits qui essaient de définir la Démo­cratie. J’y ai travaillé souvent, et sans arriver à dire autre chose que des pauvretés, qui, bien plus, ne résistent pas à une sévère critique. Par exemple celui qui définirait la démocratie par l’égalité des droits et

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Tout pouvoir est absolu…

  Tout pouvoir est absolu. La guerre fait comprendre ces cho­ses-là. Une action ne peut réussir que par l’accord des exé­cutants ; et, quand ils auraient la meilleure volonté du monde, ils ne s’accorderont pourtant que par la prompte exécution des ordres, sans qu’aucun des subordonnés s’amuse à juger ou à

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Roi de jeu de cartes

Comment enseigne-t-on l’histoire aux enfants? L’idée qu’ils se font d’un roi assis sur le trône de ses pères est tout à fait abstraite et fausse, ou pour mieux dire vide; cela ressemble beaucoup à un roi de jeu de cartes. S’ils y joignent quelque idée, ce ne peut être que

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Petits changements

Une idée que je crois fausse, et à laquelle s’attachent souvent les partis les plus opposés, c’est qu’il faudrait changer beaucoup les institutions et même les hommes, si l’on voulait un état politique passable. Ceux qui ne veulent point du tout de réformes y trouvent leur compte, car ils effraient

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La Ligue du Droit des Chiens

Au Comité de la Ligue des Droits du Chien, il s’éleva un grand débat sur les droits de l’homme. « On peut se demander, dit le caniche, si l’état de domestication où nous voyons vivre l’homme depuis tant de siècles tient à une insuffisance réelle de sa nature, ou bien

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La fonction de chef ne relève pas de la compétence

L’administration, par sa nature, choisit et élève les diplomates, non les savants. Tout administrateur doit être prometteur, conciliateur, pacificateur. Les colères, les envies, les rivalités, les compétitions, les intrigues, les dénonciations, voilà sa matière propre. Il n’y a pas ici de spécialités; il faut savoir la mécanique humaine. Ainsi ce

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Défiance

Quelle que soit la Constitution, dès que les citoyens se laissent gouverner, tout est dit. Auguste Comte signalait comme métaphysique toute discussion sur l’origine des pouvoirs. Effort mal dirigé. Les hommes ne sont point ainsi bâtis qu’on puisse en faire deux groupes, dont les uns ne mériteraient aucune confiance, tandis

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L’agent aux voitures

Si l’agent aux voitures voulait être juste, il interrogerait les uns et les autres, laissant passer d’abord le médecin et la sage-femme ; dans le fait, ce serait le comble du désordre, et tous seraient mécontents. Aussi l’agent ne se soucie point de savoir qui est pressé ni pour quels motifs ;

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L’expérience

Nos lointains ancêtres n’étaient pas plus sots que nous. Ils avaient sur les bras toute l’expérience, comme nous ; ils étaient eux-mêmes dans l’expérience, comme nous ; leurs moindres mouvements changeaient l’expérience totale comme font nos moindres mouvements ; leurs pensées elles-mêmes étaient dans le grand creuset, comme y sont les nôtres. C’est

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Notre premier besoin

Le sociologue me dit : « On serait tenté d’expliquer toute l’organisation sociale par le besoin de manger et de se vêtir, l’Économique dominant et expliquant alors tout le reste; seulement il est probable que le besoin d’organisation est antérieur au besoin de manger. On connaît des peuplades heureuses qui n’ont

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Le Roy a parlé

Le Roy a parlé. Il a même très bien parlé. Je remarque dans ses « instructions » un grand sens politique. Il n’aime point trop que ses Camelots essaient de rosser les sergents de ville. Il n’aime point que l’on veuille conspirer au régiment, ce qui condamnerait, il me semble, la fameuse

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Passions politiques

Les passions sont comme la peste et le typhus. Cessez de les combattre, elles reviennent. Tout plaideur croit avoir raison ; s’il perd, il se croit victime ; il déclame contre les puissances inhumaines qui l’ont dépouillé de son bien ; son premier mouvement est de force. Or, qu’il rassemble

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La trahison est naturelle dans un député

La trahison est naturelle dans un député, à quelque parti qu’il appartienne. Et la trahison, comme on l’a cent fois remarqué, consiste à tirer vers la droite après avoir juré de rester plus ou moins à gauche ; chacun sait qu’il y a une droite et une gauche en tous les

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La grandeur royale

Il y a des rois partout et il y en eut toujours. Vous en avez connu. Ce sont des despotes domestiques, qui ont le respect de leur propre humeur. On serait tenté de dire que ces êtres royaux n’ont point de timidité. Mais ce n’est pas tout à fait cela

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Grève des cheminots

Cette grève des cheminots, dont on parle ces temps, est une chose obscure à considérer. La plupart des citoyens s’accordent à dire que, dans les grèves, le droit des uns et des autres doit être respecté et protégé par les pouvoirs publics. Qu’un patron ait le droit de ne pas

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L’âme des peuples

Il y a des gens qui vous définissent un peuple en deux lignes : l’Américain est industriel ; l’Allemand est militaire ; l’Anglais colonise. Je ne sais comment un homme raisonnable oserait faire ainsi le portrait moral d’un peuple. Je ne l’essaierais pas pour un individu. Il n’en est pas un, parmi ceux

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La gauche et la droite

Lorsqu’on me demande si la coupure entre partis de droite et partis de gauche, hommes de droite et hommes de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que l’homme qui pose cette question n’est certainement pas un homme de gauche. C’est une riposte, ce n’est

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Personne n’est digne du droit

Personne n’est digne du droit. C’est par là qu’il faut terminer toute discussion sur les droits. On dit : « Peut-on laisser des armes à un fou ? » Et cela paraît assez raisonnable, de désarmer le fou. D’autres diront : « Devait-on donner la liberté aux nègres ? Comment en useront-ils ? » Et je rencontre beaucoup d’hommes,

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La plupart des Propos figurant dans ce thème sont extraits du recueil Propos sur les pouvoirs (Gallimard Folio-essais).

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