Philosophe Alain

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Propos sur la nature

Introduction : « Tous les hommes éprouvent, un jour ou l’autre, qu’il y a dans la nature même une beauté qui dépasse et défie tous les arts. Oui, une beauté, non seulement des beaux jours, mais de toutes les saisons. Une beauté d’existence, de pure existence, peut-être. Ce qui me fait penser cela, c’est que la nature est belle d’autant plus qu’elle semble nous ignorer. La mer, le désert, le glacier sont beaux à un moment par l’indifférence. Nous sommes donc abandonnés ! Tel est le sentiment qui nous remet droits. Ce sentiment est le sublime même. Car il n’est pas explicable que l’homme accepte d’enthousiasme cette vie toujours menacée d’écrasement, s’il ne découvre en lui-même une générosité qui passe toute cette puissance assez pour la juger belle. » Alain, « Les aventures du cœur », chapitre IX

Les retours de lune

Les fêtes du printemps sont de nature, et l’institution n’y a guère ajouté que des métaphores. L’idée de mort et de résurrection se retrouve chez tous les peuples, exprimant en même temps cet achèvement de l’hiver, les feuilles pourries et redevenues terre, les arbres dénudés, et aussitôt le réveil des

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Flocons de givre

Le soleil bondit maintenant vers l’équateur, avec une vitesse chaque jour croissante. Loin déjà est l’hiver dormant ; loin encore est l’été dormant ; saisons où le soleil s’attarde. Chaque jour maintenant je l’aperçois plus haut que je n’attendais, étendant de plus en plus vers le nord la courbe de

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Notre loi secrète

En ce point de la côte, la mer n’a pas usé le rivage par de grandes plages entre deux becs de schiste ; mais la terre nourricière se trouve tranchée comme à la bêche par de profondes entailles, et séparée en îlots grands comme des maisons, chacun élevant au niveau

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Nature océanique

Quand on revient de la campagne immobile, où chaque chose semble fermée sur soi et existant pour soi, la tremblante bordure de l’eau marine signifie quelque chose. Car elle ne cesse point d’avancer et de reculer, dessinant des îles et presqu’îles, couvrant et découvrant, selon vent et marée. Toutes les

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Astres modèles

Hier soir, la Grande Ourse s’allongeait sur le bord de l’horizon. Cassiopée élevait ses fanaux en zigzag de l’autre côté de la Polaire. Véga, l’étoile bleue, brillait au sommet du ciel. Vers l’occident, Arcturus descendait ; entre les deux, on voyait la Couronne et sa Perle. Au levant s’étendait la longue

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Les barques de l’île de Groix

Les barques pontées sur lesquelles les Bretons de l’île de Groix vont à la grande pêche sont des mécaniques merveilleuses. J’ai entendu un ingénieur qui disait que le cuirassé le mieux dessiné est un monstre, comparé à ces gracieuses et solides coques, où la courbure, la pente, l’épaisseur sont partout

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Le pinson

« Le Pinson ; joli sujet. » Ainsi parle l’Inspecteur, homme doux, qui a publié en sa jeunesse un recueil de poésies. Si c’était le Plectre d’Ivoire, ou la Corde d’Argent, ou la Flûte à Neuf Trous, personne n’en sait plus rien ; mais lui ne l’a pas oublié ; il sourit à ses jeunes

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La fête de Pâques

Il faut être déjà avancé dans l’astronomie pour célébrer dans la nuit de l’année la naissance du Sauveur ; la Noël n’appartient pas à l’enfance humaine. Au contraire, la fête de Pâques fut toujours et partout célébrée. Sous tant de noms, d’Adonis, d’Osiris, de Dionysos, de Proserpine, qui sont la même

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Chiens

Ce matin j’ai vu un chien qui hurlait ; et ce hurlement qui montait d’une octave à sa fin, ressemblait assez à ce hurlement de la, do, si, do, do, que l’on décrit communément comme signe de la rage. Pendant que je me faisais ces remarques, le chien était déjà

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Pourquoi un chat mouillé est-il laid ?

On demande quelquefois ce que c’est que la beauté d’un chien, d’un cheval, d’un homme. Et l’on voudrait répondre que c’est la coutume qui règle ici nos jugements ; mais il suffit d’un chat bien léché pour effacer cette faible réponse. Un chat mouillé est laid ; c’est que la

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Pensées d’automne

Ce terrain était clos depuis des années, et oublié des hommes. La forêt quaternaire y poussait de nouveau librement ; cela faisait un bois de jeunes chênes où nichaient les rossignols. Puis le désir humain l’envahit comme une tempête. Les arbres furent coupés et emportés ; les racines furent tirées

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La barque humaine

La route en lacets qui monte. Belle image du progrès, qui est de Renan, et que Romain Rolland a recueillie. Mais pourtant elle ne me semble pas bonne ; elle date d’un temps où l’intelligence, en beaucoup, avait pris le parti d’attendre, par trop contempler. Ce que je vois de

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Le rossignol

Cet oiseau de belle forme et sans parure, au dos brun, au ventre gris, à l’œil noir, à l’aile traînante un peu, que vous voyez courir sur le sable de l’allée, portant la tête en avant à la manière des merles, et soudain poursuivre, de branche en branche, ses amours

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Cormoran

Quand le grand brassage d’équinoxe traîne sa rumeur de plage en plage et le long de l’estuaire, on retrouve la nature sans l’homme et les pas de la création ; chaque chose se tourne alors selon les autres, et la nécessité de chaque forme se montre. La houle attaque le

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Le culte des morts

Le culte des morts est une belle coutume ; et la fête des morts est placée comme il faut, au moment où il devient visible, par des signes assez clairs, que le soleil nous abandonne. Ces fleurs séchées, ces feuilles jaunes et rouges sur lesquelles on marche, les nuits longues, et

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Noël

Noël est la fête de l’espérance, et dans la plus longue nuit de l’année, ou presque. La fête de Pâques est barbare à côté. Au temps de Pâques le printemps se montre par des signes que l’esprit le plus grossier peut comprendre. Mais à Noël, qui peut savoir que l’hiver

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La main

Le mouvement naturel de la main est de prendre et de garder, comme on voit aux toutes petites mains des nourrissons, qui s’accrochent au doigt comme la patte de l’oiseau sur le perchoir. Toutes les passions nous ferment les mains ; ainsi les poings sont tout prêts. C’est pourquoi, en

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Candide

La neige tombe. Aussi loin qu’on puisse voir ce n’est que changement monotone en apparence, variété sans recommencement si l’on regarde mieux ; il n’y a point deux flocons qui aient la même forme, ni deux flocons qui suivent la même route. Quelquefois on devine un souffle d’air d’après un mouvement

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La jetée de Dieppe

Sur la jetée de Dieppe, je vis un pêcheur de mouettes. Il laissait flotter sur l’eau verte une longue corde, avec un hameçon  garni d’un appât. Ses yeux clairs suivaient le vol des mouettes. Elles nageaient dans l’air, avec un lent mouvement des ailes; on distinguait leur œil rond et

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Rouge gorge

Le rouge-gorge est le roi de l’automne ; il en porte les couleurs ; bronze poudré d’or sur les ailes, et cette tache de feu qui remonte de la poitrine aux joues et encercle à demi l’œil intelligent. Rien ne parle plus fortement à l’œil qu’un autre œil, cette chose

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L’existence pure

On conte que Hegel, devant les montagnes, dit seulement : « C’est ainsi. » Je ne crois pas qu’il ait retrouvé dans la suite cette sévère idée de l’existence, qui à ce moment-là lui apparut dans sa pureté. Ce poète cherchait l’esprit partout, essayant, comme il l’a dit, de mener

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La pluie

J’aime la pluie. L’air est lavé et la terre m’offre ses odeurs. J’aime la grande pluie qui tambourine, les nuages qui s’effilochent, la douce lumière qui change d’instant en instant, et la délicate ligne rose au-dessus de l’horizon. Comme j’expliquais à l’homme cultivé ces plaisirs de Normand, il me dit : « Vous

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La fée électricité

La science dompte la nature et la met au service de l’homme ; voilà un thème pour des variations emphatiques et souvent niaises ; et c’est ici qu’il faut faire attention à ce qu’on dit. Il y a dans la nature des réserves d’énergie inépuisables qui dérivent du mouvement de

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Gouverner l’expérience

Nos lointains ancêtres n’étaient pas plus sots que nous. Ils avaient sur les bras toute l’expérience, comme nous ; ils étaient eux-mêmes dans l’expérience, comme nous ; leurs moindres mouvements changeaient l’expérience totale comme font nos moindres mouvements; leurs pensées elles-mêmes étaient dans le grand creuset, comme y sont les

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L’art de constater

Nous ressemblons tous à ce roi de Siam dont parle Hume, qui refusa d’écouter plus longtemps un Français dès que celui-ci eut parlé de l’eau solide, sur laquelle un éléphant pourrait marcher. Ce que nous n’avons jamais vu, ce qui ne ressemble point à ce que nous avons vu, nous

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Quand les gelées ont fait tomber les feuilles

Quand les gelées ont fait tomber les feuilles, chacun peut voir les grosses touffes de gui, désordre sensible aux yeux. Vers le même temps, la jeunesse aime à danser sous le gui ; on dit que cette plante vigoureuse et toujours verte porte bonheur aux amoureux. Aussi l’on voit des charrettes

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