philosophe-alain.fr

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Un site de l’Association des Amis d’Alain  pour lire et découvrir le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951).

L’Eglise

Je lisais récemment un article qui peut se résumer ainsi : « Qu’a fait l’Église pour la paix ? Rien du tout. » On pourrait dire aussi bien : « Qu’a fait L’Église pour la justice ? Rien du tout. » Nous l’avons vue, au contraire, en toutes circonstances, adorer et justifier la force, couronner les soldats heureux, accorder la justice divine avec l’inégalité des fortunes, et débarrasser les mauvais riches de leur remords, en échange d’un peu d’argent.

Et je me demande comment l’Église, nourrie pourtant de nobles principes empruntés aux sages, a pu tomber si bas que le peuple ne la considère même plus comme une chose existante.

J’imagine un pape, digne disciple du Christ, sortant pauvre et seul de sa somptueuse prison du Vatican, et la léguant aux pauvres pour faire un hôpital. Je le vois allant par les routes, frappant aux portes, prêchant dans les carrefours. Je me figure un évêque aussi pauvre que le pape, veillant à la porte de l’Église, vraie maison du peuple, et arrêtant le mauvais riche sous les yeux de tous, et osant lui dire, seul parmi tous : « Rends d’abord ce que tu as pris ; ensuite tu viendras prier. » Je vois une armée de prêtres, entre deux armées rangées en bataille, s’exposant aux coups, criant que la guerre est impie et que tous les hommes sont frères. J’imagine un noble et impartial tribunal d’évêques réformant avec sérénité les jugements politiques, relevant l’innocent, dénonçant et flétrissant les mauvais juges.

Voilà ce que devrait être une « Société de Jésus ». Hélas, vous savez ce que c’est que la « Société de Jésus » : la plus puissante ouvrière d’intrigues, de calomnie, d’injustice qui soit au monde.

D’où vient cette déchéance ? Je l’explique par le principe d’autorité, qui s’est glissé parmi les autres, et a tout corrompu. Et je vois là la preuve que les vertus, sans la pensée libre, dépérissent et meurent bientôt, comme des fleurs sans soleil.

9 novembre 1906

Print Friendly, PDF & Email

Partager :

WhatsApp
Facebook
Twitter