Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

PASCAL Georges, « Alain, le citoyen philosophe »

Pour citer l’article : « Pascal Georges, « Alain, le citoyen philosophe », Bulletin de l’Association des Amis d’Alain, 1998, no 85, p. 65‑81. »

 

« Dans les Propos d’un Normand de 1909 (4e volume de l’édition intégrale), on trouve, à l’Index des noms, 7 fois Descartes, 8 fois Socrate, et 9 fois Pataud. Ce Pataud, inconnu des philosophes, Alain l’appelle ordinairement le « citoyen Pataud ». Et s’il l’invoque, au cours de cette année 1909, plus souvent que Socrate ou Descartes, c’est parce qu’il est l’occasion, pour le philosophe, de conduire une véritable réflexion politique. Car il ne s’agit pas, chez Alain, d’examiner et de comparer les différentes théories de l’État et du pouvoir, mais de réfléchir sur les problèmes réels qui se posent aux citoyens ou que les citoyens se posent…

Or, Émile Pataud, qui était secrétaire du syndicat des ouvriers des industries électriques, attira souvent l’attention sur de réels problèmes, au cours des années 1907,1908 et 1909. Le 7 mars 1907, en effet, les ouvriers électriciens de Paris s’étaient mis en grève et avaient plongé dans l’obscurité les quartiers de la capitale déjà électrifiés ; le président du Conseil, Clemenceau, avait dû menacer de les faire remplacer par des soldats du Génie. Un an plus tard, le 6 août 1908, Pataud avait déclenché une grève inopinée et les Parisiens avaient été privés de lumière pendant deux heures ; un artiste lyrique nommé Mansuelle fut ainsi dans l’impossibilité de se produire sur scène et il porta plainte contre Pataud, qui fut condamné à lui payer 8 francs de dommages et intérêts. L’année suivante, en mars 1909, Pataud, qui réclamait une augmentation de salaire pour les ouvriers électriciens, fut encore poursuivi pour avoir fait couper la lumière à l’hôtel Continental juste avant un grand banquet. Mais le 29 novembre de la même année, il fit aboutir ses revendications en menaçant de déclencher une grève immédiate au moment où le roi du Portugal, en visite en France, arrivait à l’Opéra. On le voit, le citoyen Pataud n’était pas un acteur négligeable sur la scène politique et ses activités posaient, en ce début du XIX° siècle, des questions qui se posent encore au début du XXIe.

C’est à ces questions que s’intéresse Alain et on peut les résumer ainsi : Premièrement, quels sont les droits respectifs – et les moyens d’actions – des patrons et des salariés ; deuxièmement, l’État doit-il intervenir – et comment – dans les conflits sociaux. Ce genre de préoccupation ne se rencontre guère chez les philosophes plus ou moins contemporains d’Alain, tels que Lachelier, Boutroux, Husserl, Bergson, Brunschvicg, Bachelard, Heidegger, par exemple. C’est pourtant un authentique philosophe, et non point seulement un journaliste, qui s’intéresse au citoyen Pataud : sorti de l’École normale supérieure en 1892, Alain a participé à la fondation de la célèbre Revue de métaphysique et de morale et il lui apportera une collaboration régulière pendant de nombreuses années, de 1893 à 1906. Il y publie, notamment, de 1893 à 1897, 5 Dialogues, signés Criton (un sixième paraîtra en 1903), et, sous le nom de Chartier, en 1898, il présente et commente des Fragments de Jules Lagneau ; en 1899, il donne à la Revue un article intitulé « Eléments pour une doctrine laïque de la sagesse » et un autre sur la « Valeur morale de la joie d’après Spinoza ». Plus tard il publiera encore, entre autres, dans cette même Revue, d’importantes études : sur la mémoire, en 1899, sur la perception, en 1900 et 1901, et sur l’idée d’objet, en 1902. D’autre part, il a présenté une communication sur « l’éducation du moi », au Congrès de philosophie de Paris, en 1900, et, au Congrès de philosophie de Genève, en 1904, il défend les thèses de Bergson sur le paralogisme psycho-physiologique. Ajoutons qu’en 1901, il a publié un petit ouvrage sur Spinoza, récemment réédité, et écrit des Lettres sur la philosophie première, qui paraîtront après sa mort. C’est donc bien un spécialiste de la philosophie qui enseigne au Lycée de Lorient de 1893 à 1900 et qui va écrire 24 Chroniques dans La Dépêche de Lorient, en 1900, puis, dans La Dépêche de Rouen et de Normandie, des Propos du Dimanche, de 1903 à 1905, des Propos du Lundi, en 1905 et 1906, et enfin 3 083 Propos d’un Normand, de 1906 à 1914.

Mais ce spécialiste de la philosophie, engagé dans la politique et la vie quotidienne, n’écrit pas ce que l’on pourrait attendre d’un philosophe traitant de politique : il ne critique pas les anciennes théories pour en proposer une nouvelle ; à vrai dire, il se désintéresse des théories ; certes, il ne les ignore pas, et il invoque volontiers Platon, Aristote, Rousseau ou Auguste Comte, mais c’est telle ou telle de leurs vues politiques qu’il retient, et non point leur système. Ce que l’on peut appeler sa politique, ne se présente jamais sous l’aspect d’un système. Le premier recueil de Propos consacrés aux problèmes politiques fut publié par Michel Alexandre, en 1925, sous le titre modeste d’Éléments pour une doctrine radicale ; vinrent ensuite des recueils comme Le citoyen contre les pouvoirs, en 1926, ce titre, dû à jean Prévost, mettant seulement l’accent sur un aspect essentiel de la pensée d’Alain ; puis, en 1934, des Propos de politique, dont le titre signifiait bien qu’il s’agissait de réflexions sur des sujets relevant de la politique, comme il y avait des Propos sur l’éducation et des Propos sur la littérature. Le recueil publié en 1951 par Michel Alexandre avait un titre plus ambigu : Politique, qui pouvait donner à croire qu’on avait à faire, en quelque sorte, à un ouvrage définitif ; mais l’adoption d’un ordre purement chronologique montrait bien qu’il ne s’agissait nullement d’exposer un système. Le dernier recueil en date, publié par Francis Kaplan en 1985, se présente sous une forme plus systématique, avec division en chapitres eux-mêmes subdivisés, mais son auteur a bien su préserver l’originalité d’Alain en retenant simplement comme titre : Propos sur les pouvoirs.

Telle est bien, en effet, l’originalité de la politique d’Alain : elle naît d’une réflexion philosophique sur la pratique quotidienne, et non de l’examen critique des théories et des systèmes. Cette réflexion est philosophique en deux sens. En un premier sens, qui pourrait d’abord paraître accessoire, elle exprime la philosophie d’un homme libre, qui n’est pas payé pour écrire ce qu’il écrit. On ne souligne pas assez que les 3083 Propos d’un Normand qu’Alain a donnés à La Dépêche de Rouen et de Normandie, ont été vraiment donnés, sans aucune contre-partie financière. Or, ce n’est pas peu. Je me suis livré à un calcul approximatif en prenant pour base la rémunération que m’accordait le journal Le Monde, lorsqu’à ses débuts je lui envoyais quelques Billets. Ces Billets, qui étaient plus courts que le plus court des Propos d’un Normand, étaient très modestement rétribués, mais chacun représentait pourtant plus du dixième de mon traitement mensuel de professeur débutant ; avec un Billet quotidien, mes revenus auraient été multipliés par quatre. C’est dire qu’à ce tarif, encore une fois modique, les Propos d’un Normand auraient assuré à Alain, en 8 ans, un revenu supérieur à celui de plus de trente années d’enseignement. Ajoutons qu’au lendemain de la Première guerre mondiale, de 1921 à 1924, 788 Propos parurent dans la revue Libres Propos, sous la mention « Tous droits de reproduction et de traduction entièrement libres pour tous les pays ». Il n’est pas sûr qu’il y ait d’autres exemples d’un journaliste ou d’un chroniqueur qui ait fait preuve d’autant de désintéressement. Certes, un écrit n’est pas suspect a priori parce qu’il est payé, bien que l’adjectif « payé » ait pris un sens fâcheux. Mais, tout de même, surtout lorsqu’il s’agit d’écrits politiques, on aimerait bien pouvoir croire que leurs auteurs n’ont pas un intérêt personnel à dire ce qu’ils disent… On sait qu’Alain écrivait dans des journaux radicaux et les radicaux passaient souvent pour avoir le coeur à gauche et le portefeuille à droite. Il est réconfortant de savoir qu’Alain avait du coeur, mais qu’il n’avait pas de portefeuille. C’était une situation très favorable pour une réflexion philosophique. Ce détail est évidemment anecdotique, mais il devrait être une raison suffisante pour que l’on examine avec beaucoup d’attention ce qu’Alain a écrit de politique.

Mais les réflexions de politique d’Alain sont philosophiques en un autre sens, peut-être plus évident : c’est qu’elles s’inspirent de quelques principes qui ne concernent pas directement la politique, mais qui relèvent plutôt de ce qu’on appelle la philosophie générale. On pourrait, en effet, rattacher toutes les analyses politiques d’Alain aux positions qu’il prend sur les grands problèmes classiques de la philosophie, tels que les rapports de l’essence et de l’existence, de l’individu et de la société, de la nécessité et de la liberté, de l’âme et du corps, de l’existence et des valeurs.

Qu’on ne puisse déduire l’existence de l’essence, Alain n’en a jamais douté, et Jean-Paul Sartre avait deux ans lorsque les lecteurs de La Dépêche de Rouen et de Normandie purent lire, dans le Propos d’un Normand du 1er avril 1908, cette sorte de profession de foi existentialiste : « Exister, c’est quelque chose ; cela écrase toutes les raisons  Aucune raison ne peut donner l’existence, aucune existence ne peut donner ses raisons. » En d’autres termes, l’existence, c’est le donné, que nous saisissons à travers des idées, mais qui ne reflète nullement des idées. Comme disent les philosophes, on ne peut aller du concept à l’existence. Et c’est précisément ce qu’Alain reproche aux systèmes, à tous les systèmes, c’est qu’ils croient qu’un enchaînement d’idées peut contraindre les choses ; ils prétendent déduire le monde, alors qu’on ne peut que le constater. Les systèmes politiques, par exemple, ne sont que des constructions abstraites que l’on croit pouvoir transformer en réalités. Alain ne cachait pas ses sympathies pour les socialistes, notamment pour Jaurès, qu’il admirait, mais il pensait que « le socialisme comme parti dépend de cette erreur initiale de vouloir aller du concept à l’existence ». Cette erreur consiste à ne pas voir que le monde est sans preuve et que l’existence est indifférente au raisonnement. Le réel peut seulement faire l’objet d’un jugement.

Il faut insister un peu, ici, sur cette distinction, chère à Alain, entre le jugement et le raisonnement. Raisonner, c’est enchaîner des propositions les unes aux autres de telle sorte que la vérité des unes soit prouvée par la vérité des autres. Cela peut se faire de deux façons : dans les sciences mathématiques ou hypothéticodéductives, c’est la vérité des principes qui garantit la vérité des conséquences ; dans les sciences expérimentales ou inductives, c’est sur la vérité des conséquences que l’on fonde la vérité des principes. Mais il ne s’agit jamais que de vérités dont la vérité dépend d’autres vérités. On prouve ainsi, selon l’exemple bien connu, qu’un cheval bon marché est cher, en posant qu’un cheval bon marché est rare et que tout ce qui est rare est cher. Le raisonnement est, en effet, rigoureux et tout à fait conforme au schéma de la logique classique : si tout A est B et que X est A, il en résulte que X est B. L’erreur, puisque la conclusion est manifestement fausse, ne peut se trouver que dans les prémisses : il est faux de dire soit que tout ce qui est rare est cher, soit qu’un cheval bon marché est rare. Or ces affirmations sont des jugements, et l’on voit bien, sur cet exemple, qu’il est plus important de bien juger que de bien raisonner. Un raisonnement pourrait d’ailleurs arriver à une conclusion vraie en partant de prémisses fausses : si l’on disait que tout homme est un cheval et que le cheval est un animal raisonnable, il en résulterait bien que l’homme est un animal raisonnable. Là encore, on voit que l’important est le jugement et non le raisonnement. L’essentiel, c’est de bien juger, c’est-à-dire de voir les choses telles qu’elles sont. C’est à quoi servent les idées, qu’il ne s’agit pas de bien ajuster les unes aux autres, mais qu’il faut utiliser, selon une formule d’Alain, comme « des instruments (…), des pinces pour saisir les objets de l’expérience ».

Il peut arriver que des pinces diverses servent à saisir un même objet ; il est alors prudent d’utiliser les pinces qui blessent le moins. C’est ce qui explique qu’Alain, pour saisir les rêves, les actes manqués ou les névroses préfère l’idée cartésienne du mécanisme des passions à l’idée freudienne d’un psychisme inconscient : Descartes est moins offensant, pour l’homme, que Freud. Mais, de toutes façons, il s’agit de voir le monde à travers des idées, et non de lui substituer un monde d’idées.

Or, le monde social, l’existence sociale sont des données au même titre que le monde des choses et l’existence naturelle. En effet, rien ne serait plus absurde que d’imaginer des hommes existant d’abord et faisant ensuite société : l’homme n’est un homme que parce qu’il vit en société et c’est en ce sens qu’Aristote avait raison de dire que c’est un animal politique ; l’homme est fait par et pour la vie avec ses semblables. Les sociologues ont assez insisté sur les conditions sociales de tout ce qui est proprement humain. Leur erreur, selon Alain, est d’avoir fait de la société (en entendant par là un groupe social, et non l’Humanité) une sorte de réalité en soi, dont l’individu ne serait qu’un produit. Parce que l’individu ne peut penser qu’en société, ils ont cru que c’était la société qui pensait ; parce que la morale de l’individu est bonne pour la société, ils ont cru que la société était la source de la morale. Bref, ils ont confondu condition nécessaire et condition suffisante. Certes, l’individu ne peut vivre qu’en société, mais c’est en lui que se trouvent la pensée et l’humanité, et non dans le groupe social, qui ne secrète naturellement que sottise et barbarie. On connaît les formules célèbres d’Alain : « L’individu qui pense, contre la société qui dort, voilà l’histoire éternelle, et le printemps a toujours le même hiver à vaincre », et « C’est toujours dans l’individu que l’Humanité se retrouve, toujours dans la Société que la barbarie se retrouve ». L’homme ne peut être que citoyen, mais c’est l’individu qui fait l’homme, et non le citoyen. Il arrive même que la société exige de l’individu, en tant que citoyen, des comportements qu’il condamne en tant qu’homme.

Sur ce problème des rapports entre l’individu, le citoyen et la société, Alain fait d’ailleurs une remarque intéressante et originale, à savoir que la fonction première de la cité est sans doute d’assurer aux hommes un sommeil tranquille. Que le danger vienne d’autres hommes, ou des animaux, ou des éléments, l’homme qui dort serait une proie facile, condamnée à disparaître rapidement, s’il n’y avait d’autres hommes qui veillent pendant qu’il dort. D’une manière plus générale, on peut dire que la fonction première des pouvoirs est une fonction de police. La parenté des mots police et politique, dont l’origine est le mot grec qui désigne la cité, témoigne de cette nécessité fondatrice de l’ordre social : il faut d’abord organiser des tours de veille pour protéger le sommeil des citoyens, puis élargir cette protection à la vie quotidienne. Aussi nommait-on fort justement les policiers, jusqu’à une époque récente, « sergents de ville » ou « gardiens de la paix ». Sergent, c’est le latin servientem, qui veut dire « serviteur » : le sergent de ville est celui qui est au service de la cité en ce sens qu’il permet son existence même. En le baptisant « gardien de la paix » ( à Paris, en 1870 ), on ne faisait que préciser son rôle. Alain revient souvent sur cette idée que le marché, qui est « l’âme de la ville », suppose un ordre paisible, que garantit la présence discrète des représentants de la force publique. Souvent aussi, il invoque un autre exemple, qui, pour être simple, n’en est pas moins parlant, celui de l’agent au bâton blanc qui règle la circulation à un carrefour et sans lequel il n’y aurait pas de circulation possible. Les feux tricolores ont remplacé l’agent au bâton blanc, mais ils représentent une nécessité et un ordre encore plus inflexibles : l’agent pouvait arrêter une file d’automobiles pour laisser passer une femme poussant une voiture d’enfant ; les feux tricolores ont été rigoureusement programmés et leurs durées respectives sont totalement indépendantes des circonstances particulières. On saisit bien là la nature de l’ordre social : bon ou mauvais, juste ou injuste, cela est secondaire ; il faut d’abord qu’il soit. Peut-être eût-on été mieux inspirés en faisant circuler les automobilistes sur la gauche de la chaussée : certains pays l’ont fait et cela peut se discuter ; mais il est clair que l’essentiel est qu’une même règle soit imposée à tous. Platon faisait déjà remarquer que même des brigands ne peuvent former une bande, c’est-à-dire une sorte de société, qu’en acceptant tous certaines règles. On parle fort justement de « la loi du milieu », parce qu’il n’y a pas de « milieu », c’està-dire de groupement d’hommes, sans lois. Un certain ordre est donc la condition même de la vie sociale, qui est la vie humaine, et il faut dire, en dépit d’un apparent paradoxe, que « la liberté ne va pas sans l’ordre ». Chacun sait, en effet, que la loi d’une société sans lois est ce qu’on appelle la loi de la jungle, qui est la négation de toute société.

Or, dans une société quelconque, à un moment quelconque de son existence, règne un certain ordre, une certaine organisation, qui résulte de conditions diverses, notamment géographiques, économiques, démographiques et historiques. La situation de la France dans le continent européen, ses ressources agricoles et minières, sa population, son passé, lointain ou récent, tout cela se traduisait, en 1900 par exemple, par un certain état des choses, qui ne pouvait être autre que ce qu’il était. On peut rêver de ce que la France aurait été au début du XX` siècle si son climat avait été plus rude, si elle n’avait pas disposé de mines de charbon et de fer, si elle avait eu moins d’habitants, si la Révolution de 1789 n’avait pas eu lieu, etc., mais ce ne serait qu’un rêve incertain et inutile. L’ordre social (au sens large) est à prendre tel quel, comme l’ordre de la nature. Et ce n’est qu’à partir de cette nécessité reconnue que notre liberté trouvera des prises. Alain cite volontiers la formule célèbre de Bacon : « on ne commande à la nature qu’en lui obéissant », c’est-à-dire qu’il pense que l’action politique doit se fonder sur une vision positive des choses plutôt que sur un système abstrait. On peut transformer l’ordre existant, mais non le supprimer d’un trait de plume pour lui en substituer un autre.

On peut le transformer, parce que, comme Auguste Comte l’avait remarqué, notre possibilité de modifier les phénomènes est d’autant plus grande que les phénomènes sont plus complexes. Dans l’ordre astronomique, le plus simple de tous, notre pouvoir d’intervention est nul ; les phénomènes physiques et chimiques nous offrent déjà plus de prises ; dans le monde biologique, de petites causes peuvent produire de grands effets (« Il n’y a pas beaucoup de changement, écrit Alain, d’un homme qui met un cache-nez à un homme qui s’expose au froid ; pourtant les suites peuvent aller fort loin » ) ; mais c’est surtout dans l’ordre sociologique, qui est le plus complexe de tous, que l’homme peut intervenir efficacement. Aussi doit-il le faire avec une grande prudence parce que, précisément, de petits changements peuvent produire de grands bouleversements, et aussi parce que notre connaissance des phénomènes sociaux n’est pas suffisante pour nous permettre de prévoir exactement les conséquences de nos actions.

Je me permettrai d’illustrer cette idée à l’aide d’un exemple qui n’est évidemment pas dans Alain. En octobre 1945, les Français ont affirmé leur souci de rompre avec la Ille République et ils ont adopté une nouvelle Constitution en octobre 1946 ; on reprochait à la IIIe République d’avoir été un régime impuissant à cause de crises ministérielles incessantes, et la nouvelle Constitution avait prévu que les gouvernements ne pourraient être renversés que par un vote à la majorité absolue, un jour franc après la déposition d’une question de confiance. On n’avait pas prévu que les gouvernements tomberaient tout seuls, sans être renversés, si bien que la durée moyenne d’un gouvernement sous la quatrième République fut inférieure de plus de deux mois à celle d’un gouvernement de la troisième République (83 gouvernements de 1875 à 1940, soit une durée moyenne de 290 jours ; 20 gouvernements de 1947 à 1958, soit une durée moyenne de 219 jours). On va donc trouver chez Alain à la fois une grande sympathie pour les révolutionnaires, à cause de leur amour de la liberté et de la justice, et une grande défiance à l’égard des révolutions, qui sont souvent vaines et peuvent être dangereuses. Elles sont souvent vaines parce que, comme le remarquait Léon Blum, qui fut le camarade d’Alain à l’E.N.S., « la nature impose après coup aux révolutions les délais qu’aurait exigés une évolution régulière ». Blum fait cette remarque désabusée dans un petit livre qu’il écrivit en détention et qu’il publia en 1946 sous le titre À l’échelle humaine. Et les révolutions ou les révoltes peuvent être dangereuses parce que la perspective des désordres et des bouleversements renforcent les tendances conservatrices des citoyens et font souvent le jeu des pouvoirs en place : « toute désobéissance pour la justice, estime Alain, fait durer les abus ». Dans Les jeux sont faits, scénario d’un film écrit par Jean-Paul Sartre en 1947, on voit ainsi un tyran fomenter en sous-main une révolte afin de mieux asseoir son autorité. Notons enfin que l’idée même selon laquelle l’homme pourrait substituer à l’ordre existant un ordre nouveau plus conforme à ses aspirations est une idée chimérique. Alain parle du « rêve absurde d’un ordre rationalisé ». Vouloir tout régler par la raison, c’est oublier, d’une part, que les conditions extérieures (géographiques, économiques, etc.) sont indifférentes à la raison, et, d’autre part, que l’homme n’est pas un être absolument rationnel. L’ordre social est toujours fondamentalement irrationnel et injuste : la véritable action politique consiste à y introduire autant de raison et de justice que l’on pourra, et qui sera toujours insuffisant.

Ces réflexions permettent de comprendre que le premier article de la politique d’Alain soit qu’il faut « commencer par obéir ». Le bon citoyen est d’abord celui qui se conduit de telle sorte que l’existence de la cité soit possible. On ne peut pratiquer un jeu que si l’on accepte ses règles et on dit bien que « tricher n’est pas jouer », ce qui signifie que le jeu disparaît lorsque ses règles ne sont plus respectées. En d’autres termes, être citoyen, c’est être membre d’une société dont on accepte les règles, qu’elles plaisent ou non. En 1914, Alain était farouchement opposé à la guerre franco-allemande, mais quand elle fut déclarée, il ne crut pas pouvoir faire autre chose que suivre la règle commune et c’est ainsi que, dégagé d’obligations militaires, il se trouva, à 46 ans, engagé volontaire pour faire une guerre qui ne lui plaisait pas, mais qu’il fit sans doute de son mieux puisqu’il fut décoré de la Croix de guerre avec citation à l’ordre de l’armée. Et quand on parle de son pacifisme à la veille de la Seconde guerre mondiale, on oublie que, s’il avait été en position de le faire, il serait parti comme engagé volontaire en 1939 comme il l’avait fait en 1914. Le devoir d’obéissance, à ses yeux, n’était pas principalement pour les autres.

Mais commencer par obéir, cela ne signifie évidemment pas que le citoyen doive se satisfaire de l’ordre tel quel et renoncer à l’idée d’un ordre meilleur. Alain n’aurait pas écrit autant de Propos de politique s’il n’avait cru à une action possible. Il ne s’en serait pas pris aussi violemment aux inégalités et aux injustices s’il avait pensé qu’elles étaient hors des prises de la volonté humaine et qu’on n’y pourrait jamais rien changer. Certes, on doit obéir, mais, précise Alain, « obéir en méprisant ». Pourquoi ce mépris, et en quoi peut-il être une arme efficace aux mains des citoyens ?

Il faut remarquer, d’abord, que les pouvoirs ne méritent aucun respect. Ils expriment des nécessités de l’ordre humain, qui ne sont pas moins contraignantes que la nécessité extérieure, mais qui ne sont pas, non plus, plus respectables. Alain s’est beaucoup instruit au spectacle de l’Océan et des marins qui savent si bien faire servir à leurs propres fins les forces naturelles ; il en dégage cette leçon qu’il serait vain d’aimer ou de haïr le vent ou la vague : il faut seulement en tirer le meilleur profit, c’est-à-dire « vaincre en obéissant ». En d’autres termes, il faut obéir pour mieux vaincre. « Et voilà ma charte de citoyen, dit Alain. Je dois à l’homme, oui ; mais à la nécessité, je ne dois rien ». Pascal, déjà, distinguait des grandeurs naturelles, l’honnêteté, l’intelligence, le courage, etc., et ce qu’il appelait des « grandeurs d’établissement », c’est-à-dire des grandeurs conventionnelles ou, si l’on veut, institutionnelles, telles que le rang social, par exemple. Et il disait sobrement : « Grandeurs d’établissement, respect d’établissement », signifiant par là que les grandeurs sociales ne méritent qu’un respect purement extérieur : on doit saluer un duc parce qu’il est duc, mais on ne doit l’estimer que s’il est honnête homme. C’est dans le même esprit qu’Alain veut bien « qu’on nomme roi le meilleur marmiton ; mais qu’il n’essaie pas de nous faire baiser la casserole ».

Ce refus de confondre l’obéissance et le respect est difficile. L’esclave a un besoin naturel d’admirer et d’aimer son maître ; les moutons ont besoin de croire que le berger leur est tout dévoué. Les mouvements de foule, que les pouvoirs savent si bien organiser, sont toujours passionnés, et il faut du courage, comme le remarquait Jaurès, pour « ne pas faire écho de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ». Il est plus facile de se laisser emporter par le vent et la vague. Mais c’est précisément le besoin de ces acclamations qui fait la faiblesse du tyran. Car le maître ne se contente pas d’être obéi par nécessité, il lui faut une obéissance consentante, respectueuse, et ressentie comme un devoir. Tout pouvoir se veut légitime, et respecté, et adoré. Tout tyran veut convaincre et la tyrannie, finalement, repose sur la propagande au moins autant que sur la police. Le recours au plébiscite est un remarquable témoignage de ce souci d’obtenir une obéissance enthousiaste. Malheureusement, l’enthousiasme des troupes fait l’ivresse des chefs et excite en eux « cette soif de régner que rien ne peut éteindre » dont parlait Racine. Revenant de la guerre et se demandant ce qu’il y avait appris, Alain écrivait, dans Mars ou la guerre jugée : « J’ai appris que tout pouvoir pense continuellement à se conserver, à s’affirmer, à s’étendre, et que cette passion de gouverner est sans doute la source de tous les maux humains ». C’est pourquoi, si le premier devoir du citoyen est d’obéir, le second, qui en est inséparable, est de ne pas laisser croire qu’il approuve parce qu’il obéit.

Alain a, en effet, retenu cette idée d’Auguste Comte, qu’on ne gouverne pas contre une opinion publique clairement exprimée. Il suffit donc, mais il faut, pour détourner les pouvoirs des abus auxquels ils tendent naturellement, que le peuple fasse entendre sa voix. C’est ce que permet, en principe, la démocratie, grâce à l’institution du suffrage universel et secret… Dans tout régime, il y a des chefs et des techniciens, qui sont les administrateurs, les hauts fonctionnaires, mais ce qui fait la différence entre un régime tyrannique et un régime démocratique, c’est que dans le premier, les pouvoirs, chefs et techniciens, échappent à tout contrôle, tandis que, dans le second, ils sont soumis au contrôle du peuple. Cela veut dire que ce qu’il faut attendre du suffrage universel, ce n’est pas que le peuple choisisse ses gouvernants : peu importe, au fond, la façon dont on recrute les pouvoirs ; ce qui est important, c’est que le peuple ait des représentants qui contrôlent ceux qui le gouvernent. Ces représentants, qu’ils soient députés, ministres ou présidents de la République, ont essentiellement pour tâche, non point tant de faire des lois, que de veiller à ce que toutes les décisions prises soient conformes à l’intérêt général. Malheureusement, c’est trop souvent l’ambition, c’est-à-dire le désir du pouvoir, qui fait qu’un citoyen se porte candidat à des fonctions électives, si bien que, trop souvent, les élus viennent grossir les rangs de ceux qu’Alain appelle « les Importants », ceux qui se croient nés pour commander et se jugent indispensables. Aussi faut-il que le peuple exerce une surveillance constante sur ses représentants et c’est pourquoi Alain a toujours défendu vigoureusement le scrutin d’arrondissement uninominal contre le scrutin de liste et la représentation proportionnelle.

Il ne s’agit pas, comme on pourrait le croire, d’un détail de la vie politique, car ce qui est en cause, c’est la fonction même de la représentation nationale et la nature du lien entre élus et électeurs. Il pourrait paraître raisonnable de faire du Parlement un reflet exact de la diversité des courants d’opinions qui traversent le pays. Mais c’est supposer que l’électeur votera moins pour des hommes que pour des idées, qu’il s’intéressera au programme plutôt qu’à la personnalité des candidats, et qu’il choisira, pour gouverner le pays, le parti dont le programme correspond le mieux à ses propres idées. C’est toujours espérer qu’on peut aller du concept à l’existence et qu’il suffit d’arriver au pouvoir pour passer de la théorie à la pratique ; c’est oublier le poids de nécessité qui s’attache aux choses sociales, et qui oblige souvent le parti arrivé au pouvoir à faire ce qu’il condamnait quand il était dans l’opposition. Mais c’est aussi donner aux chefs de partis une importance qui en fait précisément des Importants, c’est-à-dire des hommes plus soucieux de leur carrière que des intérêts du peuple. Le scrutin d’arrondissement peut avoir des défauts, mais, dit Alain, c’est « le seul qui laisse les électeurs pendus aux basques de l’élu ». C’est le contrôle vigilant de la base qui empêche la tête de pourrir ; il n’est pas sain que le député dépende de son parti plutôt que des électeurs, c’est-à-dire qu’il n’ait pas de citoyens suspendus à ses basques, mais qu’il doive manoeuvrer et intriguer dans d’obscurs couloirs pour obtenir son investiture. Même avec le scrutin uninominal, les candidats dépendent assez largement des partis et de leurs états-majors ; avec le scrutin de liste, ils en dépendent totalement, ce qui signifie qu’entre le député et ses électeurs ne subsiste plus que le lien abstrait d’une vague communauté d’idées.

Vague communauté, parce que tous les partis ont en commun, ou du moins professent, quelques grandes idées. Aucun ne se dira partisan de la misère ou de l’esclavage, des lenteurs administratives ou de l’intolérance, de l’injustice ou de la guerre préventive, etc. Mais les idées ne sont rien sans les hommes qui les portent. On retrouve ici encore un thème important de la philosophie d’Alain, c’est qu’il n’y a pas d’esprit pur, de pensée désincarnée. L’analyse peut bien distinguer l’âme, substance pensante, du corps, substance étendue, mais la réalité humaine, c’est leur union intime, substantielle, comme Descartes l’avait bien vu. Lorsqu’il veut décrire l’homme, Alain reprend aussi volontiers l’image platonicienne du sac de peau dans lequel sont enfermés un sage, un lion et une hydre, c’est-à-dire une raison, un cœur et des appétits. Tête, coeur et ventre sont inséparables. « Tout homme, dit Alain, est tout l’homme », ou encore : « Tout homme passe l’eau avec toute sa charge ». Cela signifie, en politique, qu’il faut regarder à l’homme plutôt qu’aux idées qu’il professe et se demander d’abord, d’un candidat, s’il est sincère, honnête et courageux, ce qui suppose qu’on le connaisse un peu. Pourrait-on croire d’un homme qu’il est vraiment résolu à lutter contre la misère, quand on le voit vivre dans un luxe insolent ; à supprimer les privilèges, quand il en profite sans vergogne ; à défendre la tolérance quand il se conduit en fanatique ? Ce ne sont pas les professions de foi et les programmes qui peuvent permettre au peuple de reconnaître ses vrais amis.

De toutes façons, il ne faut pas chercher les amis du peuple, selon Alain, chez ceux qui « déguisent leur ambition en dévouement » et prétendent qu’ils ne veulent conquérir le pouvoir que pour le mettre au service du peuple. Tout pouvoir est mauvais et il n’y a pas de bons maîtres. Les vrais amis du peuple sont ceux qui aident le peuple à prendre conscience de ce qu’il pense et de ce qu’il veut, et à faire entendre sa voix. Ce que tous les Propos cherchent à exprimer, c’est l’opinion commune, c’est-à-dire l’opinion du simple citoyen qui réfléchit et qui juge. Il y a beaucoup d’ambiguïté dans la notion d’opinion publique, telle que nous la présentent, par exemple, aujourd’hui, les sondages d’opinion. Car dans tout milieu, à tout moment, il y a des opinions qui passent pour convenables et d’autres pour inavouables. Ce que l’on entend sous le nom d’opinion publique, en général, c’est « l’opinion avouée », qui n’est pas nécessairement, pour reprendre les termes d’Alain, « l’opinion réelle ». L’opinion réelle est une opinion privée, si l’on peut dire ; elle est celle de l’individu qui pense, c’est-à-dire de « l’individu qui refuse de bêler selon le ton et la mesure ». C’est pourquoi l’essentiel de l’action politique se situe finalement, pour Alain, au niveau de l’enseignement. Il s’agit de former des « citoyens éclairés », c’est-à-dire capables de déterminer par eux-mêmes, contre toute mode et toute propagande, ce qui leur convient et ce qui ne leur convient pas. Balzac fait dire au docteur Benassis, dans Un médecin de campagne, que le suffrage universel est un « système absurde dans lequel les suffrages se comptent et ne se pèsent pas. » Toutes les critiques de la démocratie, depuis Platon, invoquent cette incompétence des électeurs. Mais, dirait Alain, ce n’est pas la compétence qui fait le poids d’un suffrage, c’est sa lucidité. Le seul rempart de la démocratie, à la fois contre la tyrannie et contre la démagogie, c’est l’esprit critique du citoyen. En ce sens, on pourrait dire que l’École trahit la République lorsqu’elle se donne pour fin principale la préparation à un métier et non plus la formation d’un esprit libre. L’expérience a bien montré, en effet, qu’une politique de plein emploi est parfaitement compatible avec la dictature.

On le voit, la doctrine politique d’Alain, si l’on peut parler de doctrine, a ceci d’original, on peut même dire d’insolite, qu’elle ne saurait inspirer aucun parti ni justifier aucun programme. Le radicalisme dont il se réclame n’est pas un système, mais une attitude, et cette attitude peut se résumer en deux mots, apparemment antinomiques : « résistance et obéissance », entendons obéissance de corps et résistance d’esprit. Il est évidemment paradoxal de fonder la pensée et l’action politiques sur une séparation radicale de la pensée et de l’action. Mais cela revient à dénoncer, après Auguste Comte, la redoutable confusion du Spirituel et du Temporel. Que le pouvoir politique prétende aussi régler les pensées des citoyens, c’est la plus dangereuse des tyrannies, celle qui fait que le peuple est heureux d’être esclave. Cela ne peut jamais durer très longtemps, parce que, comme Napoléon le remarquait, en fin connaisseur : « à la longue, le sabre est toujours battu par l’esprit ». C’est que les tyrans n’ont pas encore trouvé le moyen d’empêcher définitivement tous les hommes de penser ; et les hommes, dès qu’ils pensent, jugent de l’ordre social existant en fonction des idées qu’ils se font de la dignité humaine, de la liberté et de la justice, comme ils jugent des lignes plus ou moins droites qu’ils voient en fonction de leur idée de ligne droite. Mais de même qu’aucune droite parfaite n’existera jamais, aucun ordre social ne sera jamais parfaitement juste. Le monde de l’existence n’est pas le monde des valeurs. Du cours sur Dieu qu’avait fait son maître Jules Lagneau, Alain retenait cette leçon que « Dieu ne peut être dit exister », ce que le bon sens populaire traduit par la formule : « La perfection n’est point de ce monde ». Croire que le monde pourrait un jour se régler sur l’esprit, croire que la justice régnera un jour, c’est une illusion, et une illusion dangereuse dans la mesure où, en attendant ce jour, on risque de se contenter de l’injustice. Alain soutient, au contraire, que c’est à tout moment et à toute occasion qu’il faut s’efforcer vers la justice, et que cet effort est toujours à recommencer. « Rien n’est jamais acquis à l’homme », comme dit le poète, et Alain écrivait « Je vois un progrès qui se fait et se défait d’instant en instant, qui se fait par l’individu pensant, qui se défait par le citoyen bêlant. La barbarie nous suit comme notre ombre ». C’est donc bien sur une réflexion authentiquement philosophique, concernant l’essence, l’existence et la valeur, le déterminisme et la liberté, l’homme et ses passions, qu’Alain fonde la politique du citoyen. Malgré toute son admiration pour Platon, il refuse de le suivre lorsqu’il prétend qu’il faut confier le pouvoir aux philosophes. On pourrait dire, finalement, qu’au philosophe-roi de Platon, Alain oppose le citoyen-philosophe. Et si Platon a été philosophe, mais n’a pas été roi, Alain, lui, a été à la fois citoyen et philosophe. »

G. Pascal

 

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