Philosophe Alain

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Le site de référence sur le philosophe français Emile Chartier, dit Alain (1868-1951), par l’Association des Amis d’Alain, fondée par ses proches après sa mort.

Propos sur la littérature

Introduction : L’amour des œuvres littéraires marque la philosophie d’Alain, qui n’hésite pas à voir en elles de véritables exercices philosophiques à leur manière. La littérature offre en effet au philosophe une vision épurée du monde, de ses tourments et de sa beauté, et lui permet d’appuyer sa pensée sur l’émotion de beaux textes, que l’on peut également ressentir à la lecture des philosophes. Cela amène Alain à travailler son propre style, à réhabiliter la valeur philosophique d’un auteur comme Montaigne à l’époque traité comme un littérateur aimable mais dénué de profondeur, et surtout à insister sur la pensée des auteurs philosophiques appréhendée dans le texte même à partir de leur expression et non du système abstrait et plus ou moins reconstitué de leurs idées.

Traduire la poésie

Si quelqu’un s’exerce à traduire en français un poème de Shelley, il s’espacera d’abord, selon la coutume de nos poètes, qui sont tous un peu trop orateurs. Prenant donc mesure d’après les règles de la déclamation publique, il posera ses qui et ses que, enfin ces barrières de syntaxe qui

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Du style

Je vois dans les Mémoires de Tolstoï qu’à vingt ans il connaissait déjà les deux choses qui importent pour la formation de l’esprit, c’est-à-dire un emploi du temps et un cahier. Les idées viendront ensuite, dit-il. L’action d’écrire me paraît la plus favorable de toutes pour régler nos folles pensées

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Doctrine de l’action

Un sage qui cultive son jardin et ne parle guère, se vante d’avoir fait tenir toute la doctrine de l’action en deux chapitres dont chacun n’a qu’un mot. Premier chapitre, continuer. Deuxième chapitre, commencer. L’ordre, qui étonne, fait presque toute l’idée. Méditer vaut mieux que discuter. Par ce moyen, les

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Poètes

C’est une belle amitié que celle de Gœthe et de Schiller, que l’on voit dans leurs lettres. Chacun donne à l’autre le seul secours qu’une nature puisse attendre d’une autre, qui est que l’autre la confirme et lui demande seulement de rester soi. C’est peu de prendre les êtres comme

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Communiquer

Il y a une impuissance de communiquer, qui est comme une disgrâce d’entendement. C’est ce genre de maladie qui fait que l’on doute d’être compris, et que l’on veut d’abord s’assurer qu’on est bien compris. Cette manie expliquante est une sorte d’injure continue. On semble dire à l’auditeur, ou au

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Les belles oeuvres déplaisent

Je ne suis pas assuré que les belles œuvres plaisent. Il me semble qu’il serait quelquefois plus juste de dire qu’elles déplaisent. Elles saisissent, et sans permission. L’admiration n’est pas un plaisir, peut-être, mais plutôt une sorte d’attention. Ce qu’on admire par réflexion, dans une œuvre d’art, c’est un intérêt

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Le style

Le style rappelle l’instrument qui mordait sur la cire ; ce qui laisse suppo­ser que le style n’est pas surtout d’esprit ; bien plutôt le style est l’inflexion imprimée aux idées par les conditions matérielles. Dans lesquelles il faut compter le corps humain, qui est l’absurde fournisseur des mots et des gestes ;

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Les belles œuvres sont des signes

Les belles œuvres sont des signes ; personne n’en doute ; ces matières qui sont colonne, vase, statue, portrait, parlent à l’esprit ; si nous y revenons, elles parlent encore mieux ; mais elles ne signifient qu’elles-mêmes ; c’est le propre du beau qu’il ne nous renvoie jamais à quelque autre chose, ni à quelque

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Culture et culte

Culture et culte sont des mots de la même famille. Un homme cultivé aurait donc quelques-uns des caractères de l’homme pieux. Imaginez, comme j’ai vu, un homme cultivé ouvrant Stendhal ou Balzac et lisant à haute voix deux pages choisies ; il y a de la religion dans ses mouvements ; et

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On m’a trompé sur l’imagination

On m’a trompé sur l’imagination. Que ne conte-t-on pas sur ce prétendu pouvoir de se représenter ce qui n’est plus, ce qui n’est pas encore, ce qui n’est point ? Cet arbre ici en est à un certain point de sa croissance, et il exprime un moment de ce beau printemps ;

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Culture et langage

Aucun homme ne pense jamais que sur les pensées d’un autre, et cette méthode est visible dans les plus profonds comme dans les plus ambitieux. Les premiers prennent ce qui leur est bon et poussent plus avant. Les autres rejettent beaucoup et quelquefois tout, par la méthode de réfutation propre

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Repentir et remords

La pensée est un repentir ; ce n’est pas un remords. Remords est retour amer et inutile ; c’est mauvais usage des fautes ; mais bien plutôt nul usage. Celui qui est content de ce qu’il a pensé, en ce sens qu’il n’y voit nul défaut, c’est un sot ; laissons-le. Mais je ne

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Hamlet

Si Hamlet nous tombait du ciel tout nu, sans le long cortège des admira­teurs, les critiques s’en moqueraient, non sans apparence de raison. Il ne se trouverait peut-être pas un homme de goût pour prendre l’œuvre comme elle est. Chacun s’est formé une idée du beau, d’après un grand nombre

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Le vrai langage

Des mots bien clairs, et par convention expresse, comme calorie, volt, ampère, watt, ce n’est point langage. Le langage est premièrement un bruit de nature, ou un geste de nature, dont on ne sait pas d’abord le sens, mais qui, par l’attaque à nous, nous annonce qu’il a un sens.

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La colère d’Achille

Ayant parcouru d’un seul mouvement ce grand paysage de l’Iliade, j’en comprends soudain le premier mot : « c’est la colère que tu vas chanter, Muse. » La colère d’Achille, on le sait, éminente et rebondissante, effrayante image de ce que nos ennemis devraient attendre, si les forces répondaient aux secrets mouvements.

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Proust, physiologiste incomparable, mais…

L’hérédité est une doctrine qui a fondu. Mais les romanciers n’en sont pas encore avertis. Même en ceux qui analysent le mieux les actions et les passions d’après la structure, l’attitude et l’occasion, souvent l’hérédité se montre encore, comme les anciens dieux à l’Opéra. L’inconscient est aussi un personnage à

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A la recherche du temps perdu

Ceux qui s’en vont à la recherche du temps perdu n’ont point le visage tourné vers le passé. Cette situation est contre nature et presque impossible ; nous ne savons point vivre à rebours ; mais au contraire bondissant jusqu’à un moment de notre âge, nous recommençons à vivre en pensée selon

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Marcel Proust

Il n’est pas facile de dire ce que c’est qu’un bon roman. Les mauvais romans, en revanche, sont tous à peu près du même modèle ; ce sont des objets qui portent la marque du moule. Tout y est rassemblé pour plaire, pour étonner, pour toucher ; tableaux de mœurs et de

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Ne sois point droit mais redressé

« Ne sois point droit, mais redressé ». Qu’est-ce qu’un juste qui n’a envie de rien ? Qu’est-ce qu’un héros qui n’a pas peur ? Mais sans doute l’humeur ne manque à personne ; et, s’il y a quelque vertu au monde, elle sera toujours menacée. Je ne sais si la géométrie est toujours menacée.

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Si l’on manie les mots sans prudence

Si l’on manie les mots sans prudence, on peut bien dire qu’un fou est le plus sincère des hommes, et même le plus vrai ; car, réduit à un état de passion pure, il traduit tout ce qui le traverse, et exprime ingénument ce qu’il est. Toute opinion qui lui vient,

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L’art des vers est sans doute le plus difficile

L’art des vers est sans doute le plus difficile, le plus émouvant, le plus caché aussi de tous les arts. Voltaire a écrit des milliers de vers, parmi lesquels il ne s’en trouve pas un qui soit beau. Chateaubriand approche de la poésie dans sa prose chantante ; mais quand il

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Artisans

Je suppose que Shakespeare était dans son théâtre comme un menuisier dans son atelier, qui cherche dans les bois qu’il a en réserve une planche convenable, qui fabrique des tables, des armoires et des coffres selon le goût du public, et même sur commande, et qui orne librement toutes ces

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Le Romanesque

Ce qui fait le Roman et ce qui le tient debout, c’est sans doute ce passage d’enfance à maturité, qui est comme l’histoire intime de tous nos sentiments et de toutes nos pensées. Comme on voit bien en Tolstoï, maître du genre par ce désaccord entre le tumulte de l’attente

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De la métaphore

La Métaphore est plus ancienne que la comparaison. On pourrait penser le contraire à la première réflexion, en voulant considérer Homère et ses compa­raisons célèbres comme situés à l’origine de l’histoire humaine ; les métapho­res seraient des comparaisons abrégées, comme si quelqu’un écrit : « Le torrent de l’éloquence», au lieu de développer

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