Propos sur la littérature
Introduction : L’amour des œuvres littéraires marque la philosophie d’Alain, qui n’hésite pas à voir en elles de véritables exercices philosophiques à leur manière. La littérature offre en effet au philosophe une vision épurée du monde, de ses tourments et de sa beauté, et lui permet d’appuyer sa pensée sur l’émotion de beaux textes, que l’on peut également ressentir à la lecture des philosophes. Cela amène Alain à travailler son propre style, à réhabiliter la valeur philosophique d’un auteur comme Montaigne à l’époque traité comme un littérateur aimable mais dénué de profondeur, et surtout à insister sur la pensée des auteurs philosophiques appréhendée dans le texte même à partir de leur expression et non du système abstrait et plus ou moins reconstitué de leurs idées.
Si l’on manie les mots sans prudence
Si l’on manie les mots sans prudence, on peut bien dire qu’un fou est le plus sincère des hommes, et même le plus vrai ; car, réduit à un état de passion pure, il traduit tout ce qui le traverse, et exprime ingénument ce qu’il est. Toute opinion qui lui vient,
Poètes
C’est une belle amitié que celle de Goethe et de Schiller, que l’on voit dans leurs lettres. Chacun donne à l’autre le seul secours qu’une nature puisse attendre d’une autre, qui est que l’autre la confirme et lui demande seulement de rester soi. C’est peu de prendre les êtres comme
Ne sois point droit mais redressé
« Ne sois point droit, mais redressé ». Qu’est-ce qu’un juste qui n’a envie de rien ? Qu’est-ce qu’un héros qui n’a pas peur ? Mais sans doute l’humeur ne manque à personne ; et, s’il y a quelque vertu au monde, elle sera toujours menacée. Je ne sais si la géométrie est toujours menacée.
Communiquer
Il y a une impuissance de communiquer, qui est comme une disgrâce d’entendement. C’est ce genre de maladie qui fait que l’on doute d’être compris, et que l’on veut d’abord s’assurer qu’on est bien compris. Cette manie expliquante est une sorte d’injure continue. On semble dire à l’auditeur ou au
Marcel Proust
Il n’est pas facile de dire ce que c’est qu’un bon roman. Les mauvais romans, en revanche, sont tous à peu près du même modèle ; ce sont des objets qui portent la marque du moule. Tout y est rassemblé pour plaire, pour étonner, pour toucher ; tableaux de mœurs et de
Proust, un physiologiste incomparable
L’hérédité est une doctrine qui a fondu. Mais les romanciers n’en sont pas encore avertis. Même en ceux qui analysent le mieux les actions et les passions d’après la structure, l’attitude et l’occasion, souvent l’hérédité se montre encore, comme les anciens dieux à l’Opéra. L’inconscient est aussi un personnage à